Salut mon lecteur ! Aujourd’hui je te parle du Tarot de Marseille et de la façon dont je l’utilise le plus : en tant qu’outil d’exploration et de connaissance de soi. Pour être très honnête, je suis d’avis que c’est l’intérêt fondamental de l’outil Tarot. Comprendre comment je fonctionne, révéler des aspects enfouis qui ont besoin d’être conscientisés et bien sûr poser des actions concrètes pour aller de l’avant et me métamorphoser, un jour après l’autre, en la meilleure version de moi-même.
Carl Jung (le fameux psychanalyste) appelle ça “le processus d’individuation”.
Les Alchimistes appellent ça le Grand Œuvre.
Vaste programme, programme d’une vie entière, dans lequel le Tarot peut devenir un compagnon privilégié, un véritable miroir de ton âme.
Pour te parler de cette approche, j’ai choisi de m’appuyer sur le Tarot de Gulliver.
Qui est Gulliver l’Aventurière ?
Rappelle toi : Gulliver l’Aventurière, c’est l’illustratrice de l’Oracle de la Déesse Sombre, dont je t’ai déjà parlé. Tu t’en es rendu compte : c’est une artiste inspirée. Passionnée d’imagerie médiévale, elle s’est retrouvée un jour avec un Tarot de Marseille entre les mains. A la fois fascinée et un peu bloquée par ces images qui peuvent s’avérer un peu rude au premier abord, elle ne s’est pas moins mise au travail. Et puis, l’Arcane XV, celle de la créativité qui a besoin d’une bonne dose d’audace et d’impertinence pour exploser, lui a révélé son message : redessine toutes les cartes, lui a t-elle susurré. Intègre le Tarot, non pas seulement comme le travail d’un autre mais comme ton propre chemin, ta propre voie… Gulliver a suivi les conseils du Diable. Elle a créé son propre outil, initialement destiné à son seul usage. Puis, elle en a édité une quarantaine, pour les proches qui le lui ont demandé. Et elle est tombée sur Marion Péru, la directrice de collection d’Arcana Sacra. Il est désormais disponible pour être mis entre les mains du plus grand nombre. Cela montre au passage comme le Diable n’a pas la nécessité d’être vu comme une carte négative : au contraire, derrière son apparence résolument politiquement incorrecte, il permet d’aller chercher dans les profondeurs nos plus grands trésors de créativité et d’évolution personnelle.
Un Tarot Alchimique
Gulliver est passionnée d’imagerie médiévale mais le graphisme fruste du Tarot de Marseille lui a paru peu accessible pour l’oeil du XXIe siècle. Le sien en premier lieu mais aux vues du succès de son Tarot, elle a répondu à un besoin global. Son trait se veut donc très empreint des images traditionnelles, adoucies, modernisées, vulgarisées pourrait-on dire par son regard de jeune femme inspirée. En toute franchise, je ne me rappelle plus des techniques employées, à part l’aquarelle. Mais ce n’est pas tant le sujet : ce qui m’importe, c’est de voir comment elle a réexploité avec finesse et justesse les symboles présents dans les cartes pour les rendre accessibles au public… tout en conservant l’esprit initiatique du Tarot. Ainsi, la Mort (Arcane XIII) se voit-elle affublée d’exactement 21 vertèbres. Quant au lion de la Force, il est vert. Les Deniers sont de véritables boussoles, quant à la numérologie des Mineurs, elle est investie et transmise sur la base du travail des grands prédécesseurs autant que sur la compréhension personnelle de Gulliver (le 7 de Bâton propose une magnifique représentation de Croix Solaire, tout en subtilité). Sans conteste, des choix sont faits, des partis sont pris : à chacun de décider si la vision de l’auteure et illustratrice résonnent avec son propre parcours et sa propre compréhension. Il est indéniable, toutefois, que la dimension ésotérique et initiatique de l’outil a été comprise et pleinement intégrée.
Le Tarot est une représentation microcosmique des Grands Mystères de l’Univers et les détails proposés par Gulliver dans chaque carte permettent autant de petits pas pour en explorer les recoins.
Je mets un petit bémol toutefois, sur la division de la carte : le format traditionnel n’est pas tout à fait respecté (deux carrés l’un au dessus de l’autre qui forment ainsi un rectangle, aux mesures spécifiques). Ca peut un peu troubler l’habitué et perturbe légèrement la compréhension de chaque carte dans sa dualité haut/bas droite/gauche… mais ça reste un inconvénient mineur aux vues du travail colossal sur tout le reste. Gulliver, si tu passes par là, je te pose la question : ce choix est-il dû à une problématique de composition générale ? Retrouvons-nous le rectangle en question en le redessinant autour de la mandorle ? Bref, dis-nous tout en commentaire !
EDIT : Voici la réponse de Gulliver :
« Concernant le cadre j’ai volontairement laissé au bord du chemin le rectangle pour la mandorle, d’abord dans un but esthétique et enfin pour créer de « l’intime » entre le consultant et l’imagerie, comme si on regardait à travers un trou de serrure…
Mais toutes les interprétations sont bienvenues ! » Gulliver l’Aventurière
Un Tarot Queer
Gulliver enfin propose un Tarot qui défie et dépasse la question du genre : le livret présente le Voyage du Fou tel que l’on en entend beaucoup parler, en montrant comment le Mat se métamorphose en chacun des Arcanes Majeurs (changeant de genre et même quittant la dimension humaine en toute simplicité), puis comment il contemple chaque chiffre des Arcanes Mineurs et enfin comment il rencontre chaque Figure de Cour. De la même manière, je serais bien en peine de déterminer le genre de certains personnages, particulièrement les Valets et certains Cavaliers. C’est que Gulliver a compris quelque chose de fondamental qui fait du bien à notre XXIe siècle : “la psyché humaine est fondamentalement Queer”*. La psychanalyse nous le rappelle toujours : les femmes ont une part d’homme dans leur psyché (l’animus) et les hommes une part de femme (l’anima). Personnellement, je vais un peu plus loin en prétendant que la distribution des qualités humaines comme étant masculines et féminines est une construction dont on voit qu’elle a de moins en moins de sens. Dans le Tarot traditionnel, le pôle “actif / pénétrant” est polarisé masculin et le pôle “passif / réceptif” est polarisé féminin. Or, la mythologie abonde de représentations féminines actives pénétrantes (Athéna par exemple) et de représentations masculines passives réceptives (Adonis par exemple). En offrant de nouvelles perspectives, en permettant au Mat d’incarner différents archétypes sans distinction de genre et en lui offrant de rencontrer des personnages parfois non-binaires, Gulliver ouvre des portes au processus d’individuation du quêteur du XXIe siècle, à la recherche de son identité personnelle et intime, moins cloisonnée dans des considérations sociale. L’outil devient plus projectif encore car moins directif, même si certaines conventions sont conservées. Ces conventions sont alors à regarder pour ce qu’elles sont et à dépasser sans vergogne.
Le Tarot du Diable – Arcane XV
Le Diable Transgressif marque décidément de sa patte fourchue un outil véritablement revisité pour la modernité, libéré des dogmes et pourtant ancré dans la matière de la Tradition. Le Tarot de Gulliver a tout compris à ce à quoi sert un Tarot : l’exploration intime, personnelle, transformatrice et alchimique. C’est un Tarot qui prend parti, qui ne satisfera surement pas tout le monde (les puristes auront probablement du mal avec la face transgressive du Pape) mais qui fait souffler un vent de fraîcheur sur la pratique Tarologique et qui ouvre des perspectives à ceux qui utilisent le Tarot de façon libertaire et non-dogmatique. Je donne le dernier mot à Marion Péru qui dans son avant propos au sujet de l’auteure dit de ce Tarot qu’il est “une oeuvre d’Art puissante et habitée, à l’Ame poétique, donnant une vision très personnelle – voire intimiste – de ce chef d’oeuvre intemporel qu’est le Tarot de Marseille.”
J’adhère complètement à cette définition et je gage que le travail de Gulliver l’Aventurière fera date dans l’histoire du Tarot de Marseille. En tous cas, il fait date dans mon propre cheminement. Dans mon top des Tarots Remarquables, il y a désormais Jodorowski et son Tarot psychanalytique, Kris Hadar et son Tarot initiatique, Aleister Crowley et son Tarot de Thot ésotérique et Gulliver l’Aventurière et son Tarot alchimique.
* Je me permets de reprendre les propos exacts d’AJ Dirtystein, le soir du lancement du Tarot dans sa Galerie La Papesse.