Salut mon lecteur ! Imbolc, c’est Samedi prochain. Oui, le 1er, pas le 2… la lecture du livre de Morgan Daimler au sujet de Bridgit est édifiante à ce sujet ! L’occasion pour moi de te parler de la figure de Bridgit, probablement la plus populaire dans le paganisme d’inspiration ou de reconstruction celte antique. Je m’étais appuyée sur le livre de Morgan Daimler consacrée à la Morrigan pour mon article à son sujet. L’auteure a récidivé, parce que sa fille le lui a demandé. Mon support sera donc cette fois son livre intitulé Bridgit, A la rencontre de la déesse celtique de la poésie, de la forge et des puits de guérison.
Bridgid, A la rencontre de la déesse celtique de la poésie, de la forge et des puits de guérison… chez Danae, comme toujours !
Par Morgan Daimler
Bridgit au niveau mythologique
Comme toujours avec la mythologie, il y a une fâcheuse tendance au sac de noeuds… Il faut souligner toutefois une première chose importante : Bridgit est une déesse panceltique, c’est à dire que sa figure existe chez tous les peuples de culture celte : sous les noms de Bridgit, Bride , Brigandu ou Brigantia, puis assimilée à la figure de Sainte Brigitte (nommée Sainte Ffraid au pays de Galles ou encore Sainte Bride en Ecosse), L’Exaltée (puisque c’est l’une des étymologies à la fois très probable et très populaire de son nom) s’est fait une place dans tous les panthéons et dans toutes les toponymies de la culture celtique. Il semblerait qu’elle soit également la fille du Dagda et la soeur d’Angus, ou bien leur épouse et/ou leur amante (les relations familiales sont toujours floues, mais le lien est là).
Enfin, Bridgit est comme toute divinité majeure une divinité triple : elle préside aux poètes et à toutes les expressions vocales, mais aussi à la forge et au brassage (qui vont souvent de paire) et enfin aux eaux de la guérison. Plusieurs autres attributions viennent compléter et confirmer ces trois-là qui, recouvrent symboliquement les trois fonctions duméziliennes de la royauté sacerdotale, de la guerre et de la production de nourriture et qui en font une divinité totale.
Bridgit au niveau cosmique
Bridgit préside à la poésie et à toute forme d’expression vocale : elle préside au souffle de l’Awen, qui est le souffle qui nous anime et le contexte dans lequel, en tant qu’être vivant, nous pouvons évoluer. C’est le contexte de notre manifestation, et aussi, c’est l’Air.
Bridgit préside à la Forge : elle préside au feu qui permet d’activer le soufflet et au métal en fusion. Elle préside à l’eau aussi qui permet de tremper la lame. Elle préside enfin à la Terre dont sont issues toutes les matières premières.
Bridgit enfin préside aux puits de guérison : elle est l’eau des fontaines de jouvence et le soleil régénérateur. Encore une fois, elle est l’eau saine et le feu purificateur. Personnellement, je l’associe aussi aux plantes médicinales, bien que cette association soit beaucoup moins référencée et peut-être issue de son statut de guérisseuse (et non l’inverse).
Bridgit n’est pas réputée pour son aspect terrible et punitif, même si en tant que déesse convoquée pour les accouchement, il est dit qu’elle ne donne pas sa bénédiction si un accouchement est difficile. Bridgit est réputée pour son action bienfaisante auprès de tous, y compris des “sans vache” (l’équivalent celtique des ronins, des guerriers non rattachés à une terre et un seigneur).
Le manteau vert de Bridgit est celui de la terre verte d’Irlande qui revient à la vie au printemps.
Au niveau cosmique, Bridgit peut donc être vue comme une divinité primordiale en ce qu’elle maîtrise l’eau et le feu : les éléments eschatologiques de tout début et de toute fin du monde, et qu’elle maîtrise l’Awen, le souffle cosmique, le contexte par excellence duquel émerge l’âme de toute création (incluant les êtres vivants que nous sommes, ainsi que les animaux, les plantes et les minéraux).
Bridgit au niveau psychologique
Dans la mesure où elle étend son spectre d’action sur tout ce qui fait le monde humain (artisanat, poésie, guérison), Bridgit est une déesse particulièrement adaptée pour la connexion aux énergies d’expression de soi. Au niveau psychologique, son histoire parle de résilience (elle a perdu tous ses fils dans des circonstances tragiques) et d’alchimie intérieure. Il s’agit de transformer la matière qui nous est fournie en or, de transcender nos matériaux pour les rendre aussi Brillants (Belissama, la version gauloise, signifie Très Brillante) et Exaltés qu’elle. Bridgit déesse de l’art et de l’artisanat dans tout ce qu’ils ont de plus symbolique et guérisseurs nous aide à transmuter notre matière physique et psychologique, quelle que soit la distribution initiale. L’acquisition de compétence et la persévérance sont des prérequis indispensables : c’est une déesse qui nous enseigne à appendre et à parfaire nos travaux, a allier la technique et l’inspiration pour des créations parfaites. En symbolique, cela s’applique à toute forme d’art et d’artisanat mais nous oriente pour devenir aussi les artisans de nos vies.
Bridgit au niveau métaphysique
Le niveau psychologique, toujours, permet de glisser vers le métaphysique : Bridgit maîtrise toutes les énergies de l’air, de la terre, de l’eau et du feu et se laisse traverser par l’Awen, qu’elle inspire aux poètes. C’est la Déesse Souveraine, la Déesse Magicienne, la Déesse Guerrière et la Déesse Pourvoyeuse. Ses animaux fétiche le confirment (bœufs, bouc, verrat, chacun roi de son espèce). Bridgit est panceltique, Bridgit est l’Exaltée, Bridgit est la Très Brillante, parce que Bridgit rayonne sur l’intégralité du Vivant. Bridgit n’est pas la déesse de la terre qui est le support ou le socle de la vie. Bridgit est l’Inspiration à son plus haut degré, au sens le plus symbolique et le plus mystique. Elle est la première inspiration d’air, le premier cri du nouveau né. Celui, aussi, de la mère parturiente. Elle est l’eau du ventre matriciel. Elle est la flamme, l’énergie nécessaire à la fabrication de l’embryon, qui se transformera en fœtus puis en bébé (quelle que soit l’espèce). Elle est la matière qui constitue cet être vivant animé. Elle est aussi toutes ces autres créations qui répondent aux mêmes exigences pour venir à la vie, c’est pourquoi Imbolc est sa célébration privilégiée. C’est la célébration des premières lueurs de l’aube et de la vie qui perce à travers la couche de neige. C’est ce qu’est Bridgit. Le principe même de vie.
Our Lady of the Cow Parsley, Elisabeth Sonrel
Bonus : Bridgit et Freyja
Ceci est une digression de ma part, la digression d’une néo-Païenne pas du tout spécialiste ni en ancien Gallois, ni en Norrois. Toutefois, je n’ai pas pu m’empêcher, en lisant le nom de Ffraid, de faire le lien entre Ffraid/Bridgit et Freyja (et, pour tout dire, Fri-day, le vendredi). En termes de sonorités, ça me trouble. Surtout si l’on adjoint que Ffraid signifie l’Exaltée et que Freyja signifie “La Dame”, “la maîtresse” c’est à dire la Femme à son plut haut degré, j’ose l’exprimer ainsi pour montrer le lien que je fais, d’exaltation. Ajoutons que Freyja est sœur de Freyr, dieu de fertilité et de prospérité, quand Bridgit/Ffraid est sœur d’Angus, dieu de l’amour et de la beauté (j’ai déjà évoqué le lien entre l’amour et la fertilité dans mon article sur Vénus).
L’idée ici n’est pas de confondre les deux déesses : ce serait erroné et tout à fait mal venu ! Toutefois, les deux déesses, très différentes dans leurs caractères et leurs personnalités, sont associées à la guerre, à la magie, à la divination. La Vane Freyja est la plus belle, la plus rayonnante de toutes les déesses. Elle est la représentation d’une nature luxuriante, abondante, prospère et bienfaitrice. Beaucoup de similitudes et cette sonorité troublante à mes oreilles de non-spécialiste linguistique me donnent envie d’établir un petit pont de “cousines” entre les deux radiantes déesses.
Allons plus loin, évoquons Perchta la germanique, dont le nom signifie « la Brillante », et qui trouve son pendant hivernal sous la forme de Frau Holle comme Bride l’écossaise trouve son pendant hivernal sous la forme de la Cailleach.
Il y a là de quoi interroger la symbolique du soleil dispensateur de vie dans toutes les cultures du Nord de l’Europe, dont Bridgit peut être perçue comme la manifestation panceltique.
Quel rituel avec Bridgit ?
Bridgit est populaire pour tous les rituels ayant trait à la guérison. Mais pour aller plus loin et plus en profondeur, il serait surement pertinent de ritualiser avec Bridgit autour de toutes les symboliques de transcendance de la matière : si vous êtes malade, demandez la guérison, mais si vous ne l’êtes pas, vous pouvez aussi faire un rituel pour aller vers une meilleure gestion de vos ressources personnelles (en énergie, en santé, etc…). Non pas juste pour guérir de telle ou telle maladie, mais bien pour aller vers le meilleur état de santé physique et mentale possible dans une dynamique où votre corps n’est pas un simple encombrement, mais le véhicule de votre incarnation, celui avec lequel vous devrez composer jusqu’à la mort et qui mérite les meilleurs soins. C’est particulièrement adapté à Imbolc puisque cette célébration arrive a point nommé pour accompagner (sous la houlette d’un professionnel) toute forme de cure de detox.
Dans la même dynamique, des rituels autour de la création artistique et de l’inspiration poétique seront particulièrement adaptés avec Bridgit, ainsi, bien sûr, qu’un accompagnement pour tout ce qui relève de la grossesse et de l’accouchement (même si vous n’êtes pas la personne qui est enceinte : rien ne vous interdit de demander de l’aide pour accompagner au mieux votre compagne).
Morgan Daimler parle évidement d’Imbolc comme moment privilégié pour réaliser un rituel en l’honneur de Bridgit. Elle évoque le 1er février ou le 13 février (une date plus proche de la réalité antique, le changement s’étant effectué en passant du calendrier julien au calendrier grégorien). Il semblerait que c’était une date prisée pour célébrer des mariages et des unions… la Saint Valentin toute proche pourrait être revisitée dans ce sens !
Elle évoque aussi Lamas ou Lughnasadh (le 1er Août). On peut tout particulièrement associer cette date à Bridgit qui rend des jugements et rétablit les litiges (en lien avec la Parole Juste, donc). Ce sera idéal pour établir des contrats, y compris envers soi-même ! C’est également une date privilégiée pour tout ce qui a trait aux puits de guérison et donc, au eaux et au soleil qui soignent.