Salut mon lecteur ! Il y a quelques jours, mon amie Vanessa a vu sortir son tout dernier bébé de papier. Il s’agit de Mon Cahier Chamane, édité aux éditions Solar dans leur collection “My life is beautiful”. Je connais Vanessa depuis quelque chose comme sept ou huit ans maintenant. Je connais son investissement sur la voie du Chamanisme, sur laquelle elle se définit cheminante. Je connais son sérieux, sa sincérité et son profond respect pour la voie spirituelle de façon générale, le chamanisme en particulier. Je l’ai déjà vue pratiquer aussi. Nous avons eu l’occasion de travailler ensemble sur certains sujets, et encore maintenant. De mon point de vue, elle envoie déjà pas mal le bois, avec pourtant une saine humilité. La voir sortir un cahier de vulgarisation sur ce sujet qui lui tient à coeur dans un cadre “feel good girly”, avec des attentes de la part de la maison d’édition, m’a forcément interpellé. J’ai tendance à considérer qu’il ne faut pas forcément épargner les sensibilités dans un livre. Qu’édulcorer son propos n’est pas forcément ce qui aide le mieux les cheminants. Pourtant, il faut bien des portes d’entrée. Alors je me penche sur la question aujourd’hui : vulgariser, pourquoi ? Comment ?
Ouvrir la porte avec du contenu de qualité
En fait, en lisant son Cahier de la Chamane, je me disais que Vanessa fait un truc important : elle ouvre une porte avec un contenu simple d’accès, très abordable, et en même temps qualitatif. C’est primordial, quand on y pense. En ce moment, la mode est au néo-paganisme, à la sorcellerie, au chamanisme… et je vois les autres titres de My life is beautiful, qui vont de Mon cahier Minceur à Mon cahier Objectif budget en passant par “Zéro gras”, “Stop smoking”, “Mariage”, “Féminin Sacré”, “Astro” et bien sûr, “Bullet journal”. Je me dis que Solar surfe un peu sur toutes les tendances. Evidement, aborder le Chamanisme comme un outil de bien être, c’est très réducteur. Mais à la limite, l’intention de la maison d’édition on s’en fiche un peu. D’ailleurs, ils ont peut-être raison sur un point : notre civilisation a perdu pas mal de son rapport au sens de la vie et le bien être passe aussi par la quête spirituelle. Je ne sais pas si leur intention est purement motivée par le markéting ou s’il y a la conscience de ce besoin profond en l’humain, je leur laisse le bénéfice du doute.
Le fait est que quitte à produire un contenu pour des personnes qui cherchent et qui se cherchent, pourquoi pas ouvrir une porte dans une dynamique “feel good” pour commencer. Et quitte à faire du très grand public, c’est crucial de fournir un contenu de qualité. Malgré ses airs légers, Vanessa n’a pas lésiné sur le fond. La tonalité du discours, c’est de la pure forme, un exercice de style. Ca rend le contenu agréable à lire et un peu marrant aussi. Ca dédramatise le sujet, sans aucun doute. Mais derrière ça, il y a un vrai contenu et quelques ressources bibliographiques réfléchies et choisies. Une vraie porte ouverte sur un vaste programme, puisque clairement, rien qu’avec les quelques pistes proposées, il y a plusieurs mois voire années de travail en perspective. La vulgarisation, ça sert à ça.
Edulcorer pour faire rêver
L’un des grands domaines du chamanisme, c’est la connexion aux autres mondes et en particulier le rapport au cycle vie/mort/vie. Clairement, tout rapport à la mort et aux expériences plus “ombreuses” ont été éjectées du cahier. C’est l’une des limites de la vulgarisation ou en tous cas de la façon dont ça a été fait ici : certains sujets restent tabous et pour éviter de faire peur à la clientèle, on les passe le plus possible sous silence. C’est dommage. D’autant plus que je suis intimement persuadée que les gens sont en attente d’un contenu plus dense. Peut-être moins fluffy parfois, mais qui fait écho à des choses parfois dures pour lesquels ils n’ont que peu de ressources. Le succès de mon article qui propose un rituel pour accompagner une fausse couche, encore plusieurs années plus tard, et son intégration dans un livre sur la grossesse dont je prendrai le temps de te parler une prochaine fois me le confirme.
Ca devient un sérieux problème quand ça véhicule une image erronées d’une pratique, avec des promesses aberrantes. Ce n’est pas trop le cas dans le cadre de ce livre sur le chamanisme, si ce n’est que ça peut donner l’impression d’un chemin tout doux alors qu’il peut vraiment être semé d’embuches. Et que les personnes “appelées” peuvent vraiment vivre des expériences très douloureuses, tant qu’elles ne répondent pas aux esprits. Les ressources présentées en fin de cahier se chargeront de compléter le point de vue.
Note que ceci n’est pas vraiment le problème de la vulgarisation, mais des choix éditoriaux en vérité. Donc de marketing et de stratégie. Vanessa a tout de même réussi à imposer quelques éléments fondamentaux, comme le travail sur la purification. Je la reconnais bien là. Elle me l’a dit elle-même : à la limite, les travaux autour de la mort et autres trucs plus lourds, on peut encore s’en passer dans un premier abord de la discipline. Les esprits se chargeront d’amener les cheminants là où c’est juste pour eux. Mais on ne transige pas avec la sécurité et l’hygiène.
Sortir du snobisme
Oui, la question de l’équilibre consistant à rester abordable tout en fournissant du contenu est délicate. Oui, on peut se poser celle des intérêts d’une collection éditoriale destinée au très grand public : ouvrir des portes ou surfer sur des tendances ? Et on ne pourra jamais vraiment répondre, ni à l’une, ni à l’autre.
Enfin, je ne suis surement pas le public pour ce genre de travaux, puisque je suis pour ma part vraiment en attente de choses moins édulcorées justement. Même si je ne vais pas cracher sur les quelques pistes qui m’interpellent, et il y en a.
Toutefois, je regarde en arrière. 2008. Je commence à m’intéresser de façon plus sérieuse à mon propre parcours spirituel. J’ai 24 ans, je n’ai aucun fil à dérouler dans la main. Cosmopolitan propose un article sur la Wicca et la sorcellerie dans son numéro de l’été. Evidement, ça a toujours vendu, ce genre de sujets. Ils ne font pas un numéro de l’été spécial ésotérisme chaque année pour rien. Et bien entendu, l’article est tourné de façon sensationnaliste. N’empêche, il y a l’adresse d’un forum à la fin de l’article. C’était, si je me souviens bien, celui d’Alliance Magique. Dois-je te rappeler qui édite mes livres ?
Alors oui, on peut déplorer le marketing. C’est bien pratique pour faire connaitre les contenus, le markéting. Il ne s’agit pas de cracher dans la soupe. Mais je suis d’avis que de la même manière que l’ego doit se mettre au service de la personnalité profonde, le marketing devrait être au service du contenu. Ca c’est un autre épineux débat.
Ce que je ne déplore pas du tout en revanche, c’est la vulgarisation. Une vraie bonne vulgarisation qui fournit de la matière sérieuse, documentée et qui ouvre des perspectives. Face à ce genre de travaux, je pense que nous pouvons nous asseoir sur notre snobisme de puriste et prendre l’ouvrage pour ce qu’il est. Un bon point de départ, qui met tout de même le cheminant face à ses responsabilités. S’il en veut plus, il lui faudra bosser.