Salut mon lecteur ! J’ai envie aujourd’hui de développer un sujet qui m’interpelle depuis un certain temps et que le livre de Pascal Bancourt intitulé Le Voyage d’Ulysse me permet d’aborder. Il a été publié aux éditions Hermésia, un label d’Alliance Magique, et ne m’a pas été envoyé en Service presse : c’est un livre que j’ai acheté moi-même avec mes petits sous ! En tant que passionnée de mythologie, de processus d’individuation, de parcours initiatique, et particulièrement fan du dieu Hermès dont Ulysse est le petit fils, je ne pouvais que m’intéresser à cet opus à la fois mystérieux et intéressant produit par Pascal, qui consacre sa bibliographie personnelle à l’exploration des clefs de compréhension universelles derrière les mythes. Celui de l’Odyssée en est un fameux parmi les fameux dans notre culture française, étudié dès la classe de 6e dans les programmes scolaires et présent jusque dans les livres pour les tout petits, en format cartonné et simplifié. C’est un de nos pontifes, superbe exemple de tout ce que l’on peut avoir envie de comprendre sur les histoires et leur portée littéraire, psychologique, et, avec l’éclairage du livre de Pascal, énergético-spirituelle.

Donc clairement, ça méritait l’achat, la lecture et l’article !

Alors, le voyage d’Ulysse, notre célébrissime Odyssée, qu’est-ce qu’elle raconte ?

Crédit photo : Alliance Magique

Point de vue littéraire : le voyage du héros

D’un point de vue purement littéraire, c’est ni plus ni moins que l’exemple le plus facile à comprendre de notre culture du Voyage du Héros tel que l’ont mis à la conscience les travaux de Joseph Campbell et, après lui, Chistopher Vogler. Eux-mêmes s’appuient sur les travaux de Carl Jung, mais nous y reviendrons plus tard.

Le Voyage du Héros, c’est l’histoire racontée dans toutes les histoires depuis que la notion d’histoire existe – c’est à dire depuis la nuit des temps, et de façon plus évidente et retraçable, depuis L’épopée de Gilgamesh, datée à la Mésopotamie antique et aux débuts de l’écriture. C’est une structure en étapes claires qui parlent d’un personnage principal, le héros (qui peut être indifféremment un homme ou une femme dans la narration), qui part d’une situation initiale, qui traverse des épreuves avec des moments clefs particulièrement au centre du récit et juste avant la fin, et qui revient de son parcours transformé, transfiguré et devenu une version de lui-même plus complète par rapport au moment de son départ. Ce voyage se fait de façon plus ou moins agréable, avec des alliés, des ennemis, un antagoniste, des péripéties, des trahisons et des révélations.

Le Voyage d’Ulysse commence en vérité à son départ pour la guerre de Troie, contraint et forcé, et l’Odyssée en constitue finalement seulement la deuxième partie, la phase de retour. Mais ce retour, cette Odyssée et les aventures dont il est le protagoniste constituent à elles-seules un voyage du héros, et celui dans lequel il perdra le plus de plumes. Celui aussi, surement, où il en apprendra le plus sur lui-même.

C’est que le Voyage du Héros théorisé par Campbell s’appuie sur les travaux de Carl Jung, qui a lui-même vu dans les histoires et les mythes des schémas fondamentaux qui se retrouvent d’une histoire à l’autre, mais qui sont surtout le reflet de la psyché de l’individu.

Point de vue psychanalytique : le processus d’individuation

Or, le coeur du travail de Carl Jung, c’est la théorisation du processus d’individuation. Ce parcours que l’on pourrait qualifier d’initiatique, si l’on accepte d’employer ce terme dans son acception non pas spirituelle mais de développement psychique.

Le Voyage du Héros y fait directement référence, en miroir de l’âme. Le héros, c’est toi, c’est moi, c’est Pascal Bancourt, c’est tout le monde. A travers les voyages du héros de chaque personnage fictif que tu rencontres au fil de tes lectures, tu vois des représentations de ta propre psyché, des fonctionnement de ton intériorité profonde, et tu tires des enseignements précieux pour ta propre évolution, pour ta propre individuation. C’est à dire pour ta propre accession à une version de toi-même pleinement consciente, qui a fait face aux aspects refoulés les moins agréables et qui a su intégrer les expériences les plus intenses.

Ainsi, à travers le Voyage d’Ulysse, tu te confrontes toi aussi au cyclope Polyphème : ta part brute, bestiale, limitée aussi, en tout cas non civilisée. C’est une part de toi liée aux comportements destructeurs, tes passions non canalisées telles que des colères explosives accompagnées d’envies de meurtre. Tu te confrontes toi aussi au chant des sirènes : cette irrépressible et mortifère tentation de te laisser aller aux plaisirs immédiats, à la gloire facile ou encore à la stagnation dans le giron parental sécurisant mais par essence limitatif.

Chaque personnage et chaque situation pourra aussi te rappeler ton entourage immédiat, par projection : Poséidon, le dieu vengeur qui met des bâtons dans les roues d’Ulysse, pourrait te renvoyer à une figure d’autorité masculine toxique par exemple.

Comme tous les contes et histoires, l’Odyssée te donne à vivre par procuration et de façon symbolique de nombreuses situations et te donne des clefs ou des outils pour réussir à la traverser et à triompher de tes épreuves. C’est là dimension cathartique : une mère castratrice pourrait tout à fait être symboliquement tuée en même temps que Charybde et Scylla sont dépassées ! Même pas besoin d’assassiner ta propre mère !

Et toi, qu’est-ce que tu projettes sur l’image de Polyphème ?
Ulysse et ses compagnons aveuglant Polyphème, amphore funéraire proto-attique, Eleusis, 650 av. J.-C
Par Polyphemos Painter — https://www.flickr.com/photos/sarah_c_murray/4083489970, CC BY 2.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=56379262

Point de vue spirituel : l’initiation

Mais Pascal Bancourt apporte son regard sur une dimension supplémentaire du Voyage d’Ulysse : sa portée spirituellement initiatique. Il ne s’agit plus, ici, d’une acception purement psychologique, mais bel et bien énergétique et mystique. Pascal parle d’une initiation qui transforme et transmute l’individu à un degré profond, une initiation qui lui permet d’atteindre un degré de compréhension de son âme et de son esprit à un point tel qu’il touche du doigt une compréhension cosmique, presque divine.

Les épreuves traversées par Ulysse sont alors toutes porteuses d’une sagesse singulière sur les différents obstacles qui peuvent se dresser sur la route du candidat. Le navire, les matelots, Ulysse lui-même ainsi que tout ce qu’il touche, rencontre ou traverse ne sont rien d’autre que des composantes d’un seul et même candidat (dont le genre ou le sexe importe peu) et l’Odyssée constitue une représentation allégorique du “Petit Oeuvre” ou des “Petits Mystères”, soit la phase de dissolution totale de l’égo et des impuretés de l’âme puis sa régénération, représentés par le principe-élément Eau, effectivement omniprésent dans le texte du prétendu Homère. La vie entière d’Ulysse est une initiation à ces petits mystères et, contrairement à ce que le ‘”happy end” de son retour à Ithaque pourrait laisser présupposer, c’est une forme d’échec, puisqu’il ne va pas jusqu’au bout : ce seront ses fils, les formes régénérées de son être, qui parachèveront ce travail.

Mais Ulysse est le petit fils d’Hermès… aurait-il vraiment pu vivre une vie qui ne soit pas marquée par une dimension hermétique ?

En tous les cas, a travers son étude, Pascal apporte de nombreuses pistes de réflexion pour relire la portée symbolique du Voyage d’Ulysse, à l’aune des informations contenues dans la tradition alchimique et hermétique. Des pistes qui ne peuvent, par essence, qu’être lacunaires puisque le voyage initiatique ne peut qu’être différent, dans la forme, pour chaque candidat, même si dans le fond, tout humain se retrouve à devoir confronter des démons similaires à ceux du voisin. Pascal met toutefois en garde sur les dangers pour la santé physique et mentale d’une telle entreprise et sur la réalité suivante : il n’y a plus grand monde pour accompagner le candidat dans sa quête. Tout ceci se faisait dans des cadres spéciaux, sécurisés et maîtrisés. En d’autres termes : les candidats étaient accompagnés par des professionnels, ne faites pas ça chez vous !

Conclusion

Tu l’as constaté, lecteur : ces trois degrés de lecture s’interpénètrent. C’est d’ailleurs pour cela qu’il est si difficile de faire le distingo entre eux. Peut-être puis-je proposer cette clef : l’initiation implique nécessairement l’individuation, tout simplement parce que les impuretés de l’âme contiennent entre autres les limitations d’ordre psychique et psychanalytique. Pas seulement, mais tout de même. Toutefois, l’individuation peut se faire sans initiation. D’ailleurs, c’est une entreprise dans laquelle on peut commencer par s’embarquer seul, dont même, je pense, toute personne qui se prétend adulte devrait assumer la responsabilité pour soi-même.  Personne d’autre que toi ne peut accomplir ton processus d’individuation, donc quand bien même tu te ferais aider (ce qui peut être tout à fait salutaire, parce que malgré tout, le processus d’individuation peut avoir ses écueils et ses dangers), de toute manière, tu es capitaine de ton propre navire.

Quant au Voyage du Héros et au point de vue littéraire, c’est la marque de la puissance des histoires : il est la représentation allégorique à la fois de l’un et de l’autre, comme deux voyages superposés l’un à l’autre (et dont l’un est une condition à l’autre). Il te permet d’en comprendre les mécanismes en extrayant des exemples simplifiés et faciles à comprendre. Mais la magie du texte, c’est qu’il est aussi un tissus. Une trame à comprendre, un voile à lever, des fils qui s’entremêlent pour former une tapisserie unique, comme l’est celle de ta vie. Le Voyage du Héros, comme celui d’Ulysse, est un miroir de ton âme et de ton esprit. A chaque lecture, tu te comprendras un peu mieux, tu avanceras un peu plus sur ton propre chemin, pour peu toutefois que tu fasses l’effort de te lire, toi aussi, et de chercher à percer ton propre code, ta propre structure narrative, en un mot, ton propre mystère.

Tu peux aussi lire :

Le Héros au mille et un visages, de Joseph Campbell

Le Guide du scénariste, de Christopher Vogler

Les Mystères de la ville d’Is, de Pascal Bancourt

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